Kinésithérapeute et hypnose : quand le système vous force à choisir
- Nathalie FRACHET

- il y a 5 jours
- 15 min de lecture

Diplômée en 1987, j'ai exercé trente ans en kinésithérapie, puis sept années en pratique mixte avec l'hypnose, avant de céder mon cabinet de kiné en novembre 2024 pour me consacrer quasi exclusivement à l'hypnose. Quand on me demande aujourd'hui ce que je fais, je réponds toujours : "Je suis kinésithérapeute avec une approche complémentaire en hypnose."
Cette précision n'est pas anodine. Kinésithérapeute me définit comme professionnelle de santé, ce que ne sont pas la plupart des praticiens en hypnose. Et je tiens à cette différence qui est essentielle, car pour moi l'hypnose n'est pas un métier mais une technique qui s'ajoute à des compétences acquises.

J'ai besoin aujourd'hui de faire un état des lieux. Non pas sur ce que l'hypnose apporte à mes consultants – sujet maintes fois abordé – mais sur ce que cette orientation professionnelle m'a apporté à moi, en tant que soignante, en tant que personne. Et aussi sur ce que ce parcours révèle des contraintes économiques qui pèsent sur la profession de kinésithérapeute.
Car soyons clairs : si la profession de kiné était mieux rémunérée, sans nul doute j'aurais allié les deux pratiques. Ce témoignage n'est donc pas un récit de reconversion heureuse et simple.
C'est quelque chose de plus complexe, de plus ambivalent : une libération réelle et le sentiment d'être enfin à ma place, teintés d'un regret pour ce qui aurait pu être.
1987-2024 : comment le métier de kiné a changé

Quand j'ai été diplômée en 1987, le contexte économique de la profession était différent. Les charges étaient plus faibles, les contraintes administratives moins pesantes. Certes, l'informatique n'existait pas encore dans nos cabinets, mais paradoxalement, nous avions moins de paperasse. Et surtout, nous pouvions vivre correctement en voyant moins de patients par jour.
Cette réalité économique avait une conséquence directe sur ma pratique : j'avais du temps. Du temps d'écoute avec mes patients.
Du temps pour contextualiser leur problème, comprendre leur histoire, leur environnement, leurs contraintes. Du temps pour construire avec eux un plan d'action cohérent et adapté.
Car non, la kinésithérapie ce n'est pas "juste masser et manipuler". C'est une profession qui exige une compréhension globale de la situation du patient : son activité professionnelle, ses habitudes de vie, son contexte psychologique, ses antécédents. C'est l'élaboration d'une stratégie thérapeutique, l'adaptation permanente du traitement, l'éducation du patient à son propre corps.
Dès mes débuts, j'ai eu cette approche. Une posture que je qualifierais d'horizontale : le patient n'était pas un objet de soin passif, mais un partenaire actif de son traitement. Je prenais le temps de lui expliquer, de l'impliquer, de co-construire avec lui son parcours de rééducation.
Quand le temps devient impossible

Au fil des décennies, tout s'est progressivement dégradé.
Les charges ont augmenté. L'administratif s'est alourdi – et l'informatique, loin de simplifier, a souvent complexifié. Les normes, les obligations, les déclarations se sont multipliées.
Et surtout, la rémunération n'a pas suivi.

Une séance de kinésithérapie, payée en moyenne 17 euros, réglée quasi-intégralement par la sécurité sociale et les mutuelles.
Pour maintenir un niveau de vie correct, il a fallu voir plus de patients. Beaucoup plus. Optimiser chaque minute. Enchaîner les séances d'une demi-heure, parfois moins. Jongler entre plusieurs patients simultanément., sans être un cabinet usine pour autant.
Et là, tout ce qui faisait le cœur de ma pratique – cette écoute, cette approche globale, cette horizontalité dans la relation – est devenu de plus en plus difficile à maintenir. Pas impossible, mais au prix d'un épuisement croissant et d'une frustration permanente.
Ce n'est pas que je ne voulais plus prendre le temps. C'est que le système ne le permettait plus. Comment, dans ce cadre économique, créer l'espace nécessaire pour une approche véritablement holistique ? Comment écouter vraiment quand on sait que trois autres patients attendent ? Comment approfondir une problématique complexe en trente minutes ?
J'ai cherché des solutions. J'ai multiplié les formations complémentaires, exploré différentes approches en kinésithérapie. Mais la structure même de l'exercice rendait cette quête difficile. Le problème n'était pas mes compétences ou ma volonté – c'était le cadre économique qui rendait impossible la pratique que je souhaitais avoir.
Le temps comme condition de l'implication

Cette question économique n'est pas anecdotique. Elle façonne profondément la relation thérapeutique, mais pas forcément de la manière qu'on imagine.
On entend souvent dire qu'en kinésithérapie, la prise en charge quasi-totale par l'assurance maladie induit une passivité du patient. Que le patient vient "se faire soigner", s'allonge sur la table, attend qu'on règle son problème. Je ne suis pas d'accord avec cette vision simpliste.
Dans ma pratique de kinésithérapeute, j'ai toujours cherché – et souvent réussi – à impliquer mes patients dans leur traitement. À leur expliquer ce qui se passe dans leur corps, à leur donner des exercices, à les rendre acteurs de leur rééducation. Cette approche horizontale, je l'avais dès 1987, facilitée il est vrai par de meilleures conditions économiques qui me permettaient de prendre le temps.
Le problème n'était donc pas tant la passivité du patient que l'impossibilité matérielle de maintenir cette approche dans la durée. Avec la dégradation des conditions d'exercice, même avec toute la volonté du monde, comment construire une vraie alliance thérapeutique en trente minutes, sous pression économique ?

Avec l'hypnose, tout change. Les séances ne sont pas remboursées par la sécurité sociale. Elles coûtent entre 90 et 300 euros. Ce n'est pas une barrière que je me réjouis d'imposer – au contraire, cela me pose régulièrement question sur l'accessibilité de ma pratique. Mais c'est une réalité qui transforme radicalement les conditions de travail.
Le consultant qui investit cette somme est impliqué. Non pas parce que l'argent rend miraculeusement les gens responsables, mais parce que ce tarif me permet de dégager du temps. Une séance d'hypnose dure entre une heure et deux heures. Enfin, je peux écouter. Enfin, je peux approfondir. Enfin, je peux pratiquer avec l'approche horizontale que j'ai toujours souhaitée.
Le consultant comprend qu'il est l'acteur principal de son propre processus thérapeutique. Il ne s'attend pas à ce que je le "répare" – il sait qu'il vient chercher un accompagnement, pas une solution miracle.
Bien sûr, il existe un petit pourcentage de personnes qui arrivent en pensant que l'hypnose est une baguette magique. Mais ce pourcentage est minime. La plupart des consultants qui franchissent ma porte ont cette conscience de leur implication nécessaire – une conscience que je cherchais déjà à éveiller chez mes patients en kinésithérapie, mais que les conditions économiques rendaient de plus en plus difficile à cultiver
L'alliance thérapeutique : retrouver ce qui avait été perdu

Ce qui me manquait en kinésithérapie, ce n'était pas la vision globale du patient – je l'avais déjà, ou du moins je la cherchais constamment. C'était le temps de l'approfondir, de l'explorer, d'en faire vraiment quelque chose dans l'accompagnement.
En kiné, je contextualisais toujours le problème de mes patients. Je ne voyais pas une épaule douloureuse, je voyais une personne avec son métier, ses contraintes posturales, son stress, son histoire. Je construisais avec eux un plan d'action qui prenait en compte tous ces paramètres. Mais en trente minutes, on ne peut qu'effleurer cette complexité.
En hypnose, je peux enfin plonger dans cette profondeur que je cherchais depuis toujours.
Une douleur n'est jamais "juste" une douleur. Un trouble du sommeil n'est jamais "juste" un trouble du sommeil. Chaque symptôme s'inscrit dans une histoire, un système, un équilibre (ou déséquilibre) plus vaste. Je le savais déjà en tant que kinésithérapeute. Mais maintenant, j'ai le temps d'explorer ces connexions.
Quand un consultant vient me voir pour des douleurs chroniques, nous n'allons pas seulement parler de sa colonne vertébrale ou de ses cervicales. Nous allons explorer ce que ces douleurs disent de sa vie, de ses tensions intérieures, de ce qu'il porte (au sens propre comme au figuré), de ce qu'il n'arrive pas à exprimer autrement.
Cette approche globale que je cherchais depuis des années en kinésithérapie, l'hypnose me donne enfin le temps de la déployer pleinement. Et ce temps change tout. Ce n'est pas une question de compétence ou de volonté – c'est une question de conditions matérielles qui permettent ou non de pratiquer comme on le souhaite.
Les sept années de transition : l'apprentissage de la bascule

La période mixte – sept années avec deux cabinets dans deux lieux différents, partageant mon temps entre kinésithérapie et hypnose – a été essentielle. C'était une transition, un sas de décompression.
Au début, l'hypnose était une corde supplémentaire à mon arc. Une approche complémentaire que j'utilisais pour certains patients, dans certaines situations. Petit à petit, la balance s'est inversée. L'hypnose est devenue centrale, et la kinésithérapie s'est faite plus discrète dans mon emploi du temps et dans mon identité professionnelle.
Ces sept années m'ont permis de tester, d'expérimenter, de me tromper aussi. Elles m'ont donné le temps de construire ma légitimité dans ce nouveau champ, de développer ma pratique, d'accueillir mes doutes.
Car oui, il y a eu des doutes. "Abandonner" trente ans de carrière, un métier que je maîtrisais parfaitement, une identité professionnelle solidement établie, ce n'est pas anodin. J'ai parfois eu peur de me tromper, de regretter, de ne pas être à la hauteur.
Ces années mixtes ont été un laboratoire précieux. J'ai pu observer concrètement ce qui me nourrissait le plus, ce qui faisait sens, ce vers quoi mon énergie se dirigeait naturellement. Et la réponse est devenue de plus en plus évidente : l'hypnose.
Novembre 2024 : le choix qui n'en était pas vraiment un
En novembre 2024, j'ai cédé mon cabinet de kinésithérapie. Un tournant à la fois symbolique et pratique.
Je ne vais pas prétendre que cette décision a été facile. Il y a quelque chose de vertigineux à refermer définitivement un chapitre aussi long de sa vie professionnelle. Mais je ne vais pas prétendre non plus qu'elle a été totalement libre.
La vérité, c'est que le système m'a forcée à choisir. Impossible de maintenir deux pratiques quand l'une d'elles ne permet plus de vivre correctement tout en pratiquant comme on le souhaite. Impossible de garder la kinésithérapie telle que je voulais l'exercer – avec du temps, de l'écoute, de la profondeur – dans le cadre économique actuel.
Si la profession de kiné était mieux rémunérée, si je pouvais me permettre de voir moins de patients mais de passer plus de temps avec chacun, sans nul doute j'aurais gardé les deux pratiques. L'alliance de l'approche corporelle de la kinésithérapie et de l'approche psychique de l'hypnose aurait été, à mes yeux, idéale.
Mais voilà : ce n'est pas possible. Pas dans le système actuel.

Alors oui, il y a quelque chose de profondément libérateur dans cette décision. Quelque chose qui me donne le sentiment d'être enfin à ma place. Depuis un an maintenant, je pratique quasi exclusivement l'hypnose (tout en gardant mon statut de kinésithérapeute). Et je peux dire avec certitude : je respire mieux.
Cette année exclusive m'a apporté une cohérence, une concentration d'énergie que je n'avais pas connue pendant les années mixtes. Je ne suis plus partagée entre deux identités professionnelles. Je ne jongle plus entre deux lieux, deux postures, deux rythmes de travail différents.
Mais cette libération reste teintée d'un regret. Le regret d'un système de santé qui ne valorise pas le temps passé avec les patients. Le regret d'une profession qui aurait pu évoluer autrement. Le regret d'une alliance thérapeutique qui aurait été possible et enrichissante.
C'est complexe, je sais. On aimerait des récits simples : soit la souffrance et la reconversion salvatrice, soit le choix assumé et heureux. La réalité est plus nuancée. C'est à la fois une libération et une contrainte. Un choix et une absence de choix. Un soulagement et une frustration.
Ce que l'hypnose a changé en moi : au-delà du professionnel
Mais au-delà de ma pratique professionnelle, c'est moi-même qui ai été transformée par ce cheminement.

L'hypnose m'a appris à ralentir. Après des décennies à enchaîner les patients toutes les demi-heures, à courir entre les salles, à optimiser chaque minute, j'ai découvert la valeur du temps long. Une séance d'hypnose dure entre une heure et deux heures. On prend le temps. Le temps d'écouter, le temps de creuser, le temps de laisser émerger ce qui doit émerger.
L'hypnose m'a appris l'humilité. En kinésithérapie, j'avais le sentiment (illusoire, je le sais maintenant) de maîtriser mon acte. En hypnose, je suis témoin de processus qui me dépassent. Je ne contrôle rien. Je ne peux que créer les conditions favorables et faire confiance à l'inconscient du consultant. C'est déstabilisant au début, et profondément apaisant ensuite.
L'hypnose m'a appris à accueillir l'inconnu. Chaque séance est unique. Je ne sais jamais exactement où nous allons aller, ce qui va se jouer, ce qui va émerger. J'ai dû accepter de ne pas tout prévoir, de ne pas tout anticiper, de lâcher mes protocoles rassurants pour m'adapter en permanence au mouvement vivant de la personne en face de moi.
L'hypnose m'a reconnectée à ma propre intuition. En kiné, je raisonnais beaucoup, j'analysais, je déduisais. En hypnose, j'ai appris à sentir, à percevoir des choses plus subtiles, à faire confiance à ce qui émerge en moi pendant les séances sans toujours pouvoir l'expliquer rationnellement.
La relation soignant-soigné : une horizontalité enfin pleinement possible
Ce qui a peut-être le plus changé avec l'hypnose, ce n'est pas ma conception de la relation thérapeutique – c'est ma capacité à la vivre pleinement.
Dès mes débuts en kinésithérapie en 1987, j'avais cette approche. Je ne me vivais pas comme "au-dessus" du patient. Je cherchais déjà à construire une relation plus horizontale, où le patient n'était pas un objet de soin passif, mais un partenaire actif de son traitement. Je prenais le temps de lui expliquer, de l'impliquer, de co-construire avec lui.
Cette posture, je n'ai pas eu à l'apprendre avec l'hypnose. Elle faisait déjà partie de mon ADN professionnel. Mais les conditions économiques de la kinésithérapie l'ont progressivement mise à mal. Comment maintenir cette horizontalité quand on doit enchaîner les patients toutes les demi-heures ? Comment co-construire quand le temps presse et que trois personnes attendent dans la salle d'attente ?
En hypnose, cette horizontalité que je portais en moi depuis toujours peut enfin s'exprimer pleinement. Le consultant n'est pas un objet de soin. C'est un sujet, un être entier, qui vient chercher un accompagnement dans un moment spécifique de sa vie. Je ne suis pas là pour le réparer – il n'est pas cassé. Je suis là pour l'aider à se reconnecter à ce qui est déjà en lui, à ses propres capacités de changement, à ses ressources intérieures.
Cette posture me correspond infiniment mieux – non pas parce qu'elle est nouvelle, mais parce que je peux enfin la déployer sans les contraintes de temps qui l'étouffaient en kinésithérapie. Elle est plus respectueuse de l'autonomie de la personne, plus juste aussi. Et elle est moins épuisante pour moi, parce qu'elle ne repose pas sur l'illusion que je dois tout porter, tout résoudre, tout prendre en charge.
L'hypnose ne m'a pas appris l'horizontalité. Elle m'a donné les conditions pour la vivre vraiment.
Les défis : ce qui reste difficile

Je ne veux pas idéaliser ce parcours. Il y a aussi des défis, des difficultés qui persistent.
Le principal concerne l'accessibilité. Le fait que l'hypnose ne soit pas remboursée crée une barrière financière réelle.
Je rencontre régulièrement des personnes pour qui mes tarifs sont inabordables, et cela me pose question. Comment rendre cette approche accessible au plus grand nombre ? Je n'ai pas encore trouvé de réponse pleinement satisfaisante.
Il y a aussi la solitude spécifique de cette pratique. En kinésithérapie, on fait partie d'un réseau de soins bien établi. On travaille avec des médecins, des spécialistes, on est inscrit dans un parcours de soin reconnu et validé. En hypnose, on est souvent plus isolé professionnellement. Il faut construire sa légitimité, expliquer sa démarche, parfois se justifier.
Et puis il y a l'exigence émotionnelle. Accompagner des personnes dans l'exploration de leurs processus intérieurs, c'est intense. On reçoit des histoires lourdes, des souffrances profondes, des transformations bouleversantes. Il faut apprendre à se protéger, à ne pas porter ce qui n'est pas à porter, à garder une juste distance tout en restant pleinement présente. C'est un équilibre délicat.
L'enrichissement personnel : au-delà de la technique
Aujourd'hui, quand on me demande ce que je fais, je ne dis pas "je suis hypnothérapeute". Je dis "je suis kinésithérapeute avec une approche complémentaire
en hypnose".

Ce n'est pas une coquetterie de langage. C'est une position assumée, réfléchie, importante.
Kinésithérapeute me définit comme professionnelle de santé. C'est mon identité de base, mon ancrage, ma légitimité. J'ai été formée pendant des années, j'ai une connaissance approfondie du corps humain, de la physiologie, de la pathologie. J'ai un cadre déontologique clair, des obligations professionnelles, une inscription à l'Ordre.
La plupart des praticiens en hypnose n'ont pas cette formation de santé. L'hypnose n'est pas, à mes yeux, un métier en soi. C'est une technique, un outil, une approche complémentaire qui vient s'ajouter à des compétences professionnelles préexistantes.
Je tiens à cette différence. Elle est essentielle dans ma façon de travailler, dans ma posture, dans ma relation avec les consultants. Je ne me suis pas "reconvertie en hypnothérapeute". J'ai enrichi ma pratique de kinésithérapeute avec l'hypnose.
Certes, aujourd'hui, je passe l'essentiel de mon temps à pratiquer l'hypnose. Mon cabinet de kiné a été cédé. Mais mon identité professionnelle, elle, reste ancrée dans la kinésithérapie. C'est cette double compétence – le corps ET le psychisme, la technique ET l'accompagnement – qui fait la spécificité de ma pratique.
Et d'une certaine manière, garder cette identité de kinésithérapeute, c'est aussi une forme de résistance. Une façon de dire : je n'ai pas quitté la profession parce qu'elle ne me convenait pas, mais parce que le système ne me permettait plus de l'exercer comme je le souhaitais. La kiné reste mon socle, mon ADN professionnel, même si les conditions économiques m'ont forcée à en sortir pratiquement.
Ce que je dirais à mes confrères/ consoeurs kinés :
Si des professionnels de santé me lisent et se reconnaissent dans ce questionnement – cette impression qu'il manque quelque chose, cette recherche d'une approche plus approfondie, cette frustration face aux contraintes de temps –, voici ce que je voudrais leur dire.
D'abord : ce que vous ressentez est légitime. Ce n'est pas vous qui êtes inadaptés ou trop exigeants. C'est le système qui s'est progressivement dégradé, qui ne permet plus d'exercer la kinésithérapie avec le temps et la qualité d'accompagnement qu'elle mériterait.

Ensuite : il existe des voies pour retrouver ce temps, cette écoute, cette profondeur que vous cherchez. L'hypnose en est une parmi d'autres. Mais soyons lucides : ces voies passent souvent par une sortie partielle ou totale du système conventionné. C'est un choix difficile, qui pose des questions d'accessibilité des soins et d'équité.
Si vous explorez l'hypnose ou d'autres approches complémentaires :
Formez-vous sérieusement. L'hypnose n'est pas une baguette magique, c'est une technique qui exige un apprentissage rigoureux.
Testez progressivement. La période mixte peut être longue, et c'est très bien comme ça. Elle permet de construire solidement votre nouvelle pratique avant de basculer.
Gardez votre identité de professionnel de santé. L'hypnose est une technique qui s'ajoute à vos compétences, pas un nouveau métier qui les remplace.
Faites-vous confiance. Vous avez des années d'expérience clinique, une connaissance du corps et du soin, une capacité d'écoute. Tout cela se transfère, se transforme, s'enrichit dans une pratique élargie.
Mais surtout : ne culpabilisez pas si vous avez besoin de chercher ailleurs les conditions pour exercer comme vous le souhaitez. Le problème n'est pas vous. C'est un système qui ne valorise pas le temps passé avec les patients, qui pousse à la rentabilité au détriment de la qualité, qui épuise les professionnels de santé.
Cette réalité mérite d'être dite, débattue, changée. Pas seulement pour nous, professionnels, mais pour les patients qui ont besoin d'un accompagnement de qualité.
Conclusion : la complexité d'un parcours qui n'est ni tout blanc ni tout noir
Un an après avoir cédé mon cabinet de kinésithérapie, je pourrais vous dire que je ne regrette rien. Ce serait simple, clair, rassurant. Mais ce ne serait pas tout à fait vrai.

La vérité, c'est que je ne regrette pas ce que j'ai trouvé – cette possibilité enfin d'exercer avec du temps, de l'écoute, de la profondeur. Je ne regrette pas cette cohérence retrouvée, cette respiration, ce sentiment d'être à ma place. L'hypnose m'a permis de retrouver l'approche horizontale que j'avais dès mes débuts en kinésithérapie mais que le système rendait de plus en plus difficile à maintenir.
Mais je regrette d'avoir été forcée de choisir. Je regrette qu'un système de santé ne valorise pas le temps passé avec les patients. Je regrette que la kinésithérapie, telle que je voulais l'exercer, soit devenue économiquement insoutenable. Je regrette l'alliance possible entre l'approche corporelle et l'approche psychique que j'aurais pu développer si les conditions le permettaient.
Et parce que cette question de l'accessibilité me travaille profondément, j'ai mis en place une journée par mois où je propose des consultations d'hypnose où le consultant me rémunère selon ses moyens, voire gratuitement. C'est ma façon de tenter de répondre, à mon échelle, à cette injustice d'un système qui rend certains soins inaccessibles à une partie de la population. Ce n'est pas suffisant, je le sais. Mais c'est ma manière de rester cohérente avec mes valeurs de professionnelle de santé.
Ce parcours m'a profondément transformée. Pas seulement en tant que professionnelle de santé, mais en tant que personne. L'hypnose m'a appris à ralentir, à accueillir l'inconnu, à faire confiance aux processus qui me dépassent, à reconnecter avec mon intuition. Elle m'a obligée à un travail sur moi-même plus profond, à une vigilance constante sur mes propres fonctionnements.

Mais je reste kinésithérapeute. C'est mon identité professionnelle, mon ancrage, ma légitimité de professionnelle de santé. L'hypnose n'est pas un métier qui a remplacé la kinésithérapie – c'est une technique qui l'a enrichie, qui m'a permis de retrouver ce qui était en train de se perdre.
Je ne sais pas où ce chemin me mènera dans les années à venir. L'hypnose est un domaine vaste, avec encore tant à explorer, à approfondir, à découvrir. Peut-être que les conditions de la kinésithérapie évolueront un jour, permettant à nouveau cette alliance que je continue de considérer comme idéale.
Peut-être pas.
Mais je sais que je suis là où je dois être pour l'instant. Que cette orientation était nécessaire, vitale même, face aux contraintes du système actuel. Que j'ai choisi autant que j'ai été contrainte. Que c'est à la fois une libération et un renoncement. Que c'est complexe, nuancé, ambivalent – comme la plupart des vrais choix de vie.
Si je devais résumer en une phrase ce que cette évolution m'a apporté, je dirais ceci :
elle m'a permis de retrouver le temps nécessaire pour accompagner les personnes comme je l'ai toujours souhaité.
Et ce temps, même s'il a fallu sortir partiellement du système de santé conventionné pour le trouver, a redonné un sens profond à toute ma pratique professionnelle.
Le chemin continue. Avec ses satisfactions et ses regrets, ses certitudes et ses questionnements, sa gratitude et sa colère face à un système qui force à choisir. Je le parcours avec lucidité, en gardant mon identité de kinésithérapeute, en continuant d'interroger ce qu'est le soin, ce qu'est l'accompagnement, ce que devrait être un système de santé qui valorise vraiment le temps passé avec les patients.
Ce témoignage vise à ouvrir une réflexion sur les conditions d'exercice des professionnels de santé et sur les contraintes économiques qui pèsent sur la qualité de l'accompagnement. Si vous êtes professionnel de santé et traversez des questionnements similaires, n'hésitez pas à commenter et à partager. Ces réflexions méritent d'être partagées et débattues collectivement.
Un merci particulier à MP D...., qui par son post de cette semaine m'a donné la possibilité de jeter un oeil sur ma pratique professionnelle.


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